24 février 2006

Outreau, Erignac: "il y a quelque chose de pourri au royaume de Danemark"


Saisissant retournement de situation lors du procès en appel de Jean Castela et Vincent Andriuzzi les commanditaires présumés de l'assassinat du préfet Érignac le 6 février 98. Je m'étonnais, au début de ce procès, que l'on ne parle toujours pas de celui d'Yvan Colonna, toujours en attente depuis son arrestation en 2003. Or, l'acquittement qui vient de sanctionner ce procès alors qu'ils avaient été condamnés en première instance à 30 ans de réclusion a mis en lumière les dysfonctionnements et les manœuvres policières et judiciaires dont a été parsemée l'enquête : procès-verbaux antidatés, preuves fabriquées, rien n'a manqué. Me Philippe Lemaire, avocat de la veuve du préfet Érignac, a jugé "stupéfiant" que l'ancien patron de la police antiterroriste vienne expliquer à la barre qu'aucune preuve n'existait contre les deux accusés, alors que c'est son travail qui les avait conduits en cour d'assises. "Ce verdict change les données et confirme ce que nous disons depuis trois ans: ce dossier et cette enquête sont des injures à la démocratie", a déclaré Me Gilles Simeoni, l'un des quatre avocats d'Yvan Colonna. Tout assassinat est impardonnable et celui d'un préfet dans l'exercice de sa fonction est un acte extrêmement grave qui ne laisse place à aucune excuse. Si l'on comprend bien que l'on ait voulu faire justice à tout prix, il convenait tout particulièrement d'exiger toute la clarté, sans omettre la moindre preuve, en écoutant et en vérifiant tous les témoignages. Or, le procès qui vient de se dérouler confirme bien le contenu du mémoire des avocats d'Yvan, que j'ai reçu de sa famille, aux fins de diffusion et de constitution d'un comité de soutien à Yvan. J'avais, en effet, dès les premiers moments de l'affaire et au moment où sa photo était affichée dans tous les commissariats, témoigné mon soutien et ma sympathie à son père, avec qui des liens d'amitié forts me lient depuis très longtemps. Sans aller jusqu'à prendre parti, je compatissais au chagrin d'un ami et je respectai sa peine et l'énergie qu'il mettait à défendre son fils (quoi de plus normal pour un père !) Lorsque j'ai reçu, en octobre dernier, le document que m'a fait parvenir sa famille, je dois avouer l'avoir lu avec un certain scepticisme, en me disant "mais pourquoi s'est-il enfui ?" Arrivé à la fin du document, j'ai finalement compris pourquoi et le procès récent me confirme dans ce sentiment. "Ce verdict change les données et confirme ce que nous disons depuis trois ans: ce dossier et cette enquête sont des injures à la démocratie", a déclaré jeudi l'un des quatre avocats d'Yvan Colonna."Le jour où des magistrats décideront de regarder le dossier en général et le cas de Colonna en particulier de façon sereine, ils se rendront compte qu'un innocent est en prison", a-t-il ajouté. Me Gilles Simeoni estime que ces éléments confortaient la thèse d'un "montage policier" contre Yvan Colonna.Le berger de Cargèse n'est mis en cause que par des dépositions des tueurs, qui se sont depuis rétractés, et la justice ne dispose pas contre lui de preuves matérielles, souligne-t-il. Contrairement aux autres protagonistes, Yvan Colonna n'a pas utilisé de téléphone le soir du crime. Un témoin oculaire ne l'a pas reconnu. Pour Me Simeoni, "cette enquête a été truandée". Ce qui est certain, c'est qu'à aucun moment, la présomption d'innocence n'a joué, comme ce devrait être le cas pour tout justiciable. Le comité de soutien à Yvan Colonna ne demandait rien de plus et c'est pourquoi je l'ai signé et fait signer.